Le massacre de la Saint-Barthélemy

24 août 1572

Le massacre de la Saint-Barthélemy est resté comme une des pages les plus sombres de l'Histoire de France. Il est à replacer dans le contexte des guerres de religion qui ensanglantèrent la France entre 1562 (Massacre de Vassy) et 1598 (Édit de Nantes). Plusieurs milliers de protestants trouvèrent la mort.
François Dubois (peintre parisien protestant, ayant réchappé de justesse au massacre et réfugié en Suisse)
Sur le tableau, on distingue entre autres :
- Catherine de Médicis, en noir (depuis la mort d'Henri II), contemplant un tas de cadavres dénudés, près de la porte du Louvre,
- des scènes de massacres et de pillages commises par des civils, des soldats, ou des gentilshommes (repérables par leur bonnet de velour noir).
- Guise contemple le corps de Coligny qui vient d'être défenestré et décapité. Il a aussi les mains coupées, tandis que sa dépouille se fait émasculer.
(Cliquez sur l'image pour voir le tableau complet)

Les origines du drame, état de la France avant 1572.

Depuis l'apparition des mouvements calvinistes, la France vivait perpétuellement dans les tensions religieuses. Les protestants exigeaient des droits comparables aux catholiques pour exercer librement leur religion, tandis que les vitupérations des curés excitaient les haines du peuple catholique. À Henri II mort accidentellement en 1559, avaient succédé ses deux premiers fils bien trop immatures. Le pouvoir réel était disputé entre les principaux conseillers du roi : les Guise, catholiques intransigeants, pratiquement maîtres du pouvoir sous François II, la reine-mère Catherine de Médicis qui devint influente sous Charles IX, et Coligny, protestant ambitieux qui su développer une relation d'amitié avec le jeune Charles IX, devenant ainsi dangereusement influent. A cela s'ajoutaient aussi les gesticulations d'autres grandes familles, en particulier Bourbons et Montmorency, ce qui avait conduit le royaume à une série de guerres de religion, dès 1562.
Pourtant Catherine de Médicis n'avait jamais eu de haine contre les protestants et elle pensa longtemps possible la coexistence pacifique des deux religions. Depuis le traité de Saint-Germain en 1570, la paix, bien que "boiteuse et malassise", était à peu près revenue et c'est pour la sceller qu'elle entreprit le mariage de sa fille Marguerite avec le jeune prince protestant Henri de Navarre. Il devait avoir lieu en août 1572.

Le mois d'août 1572.

À l'annonce du mariage, un grand nombre de protestants, dont les principaux chefs, s'étaient rendus à Paris. Ils ne cachaient pas leur intention de relancer la guerre de Flandre. Une souscription fut même ouverte en plein Paris, et Coligny parvint presque à convaincre le jeune Charles IX de se lancer dans cette guerre. Catherine de Médicis l'en dissuada de justesse. Pour elle, il fallait en finir le plus vite possible avec le mariage, et écarter définitivement Coligny du pouvoir.
De son côté, le peuple de Paris, catholique, ne comprenait pas que le roi donne pour époux à sa soeur le chef de file des protestants contre lesquels ils s'étaient battu si longtemps.
Le mois d'août fut particulièrement chaud cette année là, ce qui rendait l'atmosphère encore plus explosive lorsque le mariage eut lieu le 18 août. La cérémonie fut grandiose, quoique curieuse en raison de la différence de religion. Aucun des deux époux n'était sincèrement consentant, à vrai dire. L'échange des consentements eut lieu à l'extérieur de Notre-Dame, en public, puis les deux époux entrèrent ensemble pour la messe. Mais il fut aussi convenu qu'Henri n'y participerait pas et il passa le temps de la messe à déambuler dans le transept. Tel était le curieux compromis trouvé pour sauver les apparences vu depuis l'extérieur de la cathédrale tout en respectant la foi de chacun. Les festivités, banquets, bals, jeux et autres spectacles, se poursuivirent le soir et les jours d'après.

L'attentat de Coligny

Le 22 août vers 11h du matin, Coligny quitta le Louvre et se rendit à pied à son hôtel rue de Bethisy (actuellement au 144 rue de Rivoli), entouré d'une quinzaine de fidèles. Tout à coup, une balle tirée par une arquebuse le blessa à la main. Il fut rapidement transporté chez lui par ses proches. Le tireur était Maurevert, un gentilhomme proche des Guises. Il est donc probable que ceux-ci était les commanditaires de l'attentat. Il est aussi probable que Catherine de Médicis ait été au courant, surtout qu'elle ne manifesta pas de surprise lorsqu'on lui apprit la nouvelle.
Charles IX, furieux, demanda aussitôt une enquête, d'autant plus que la noblesse protestante réclamait justice. L'enquête progressait rapidement et se rapprochait des Guise et même du frère du roi, Henri d'Anjou. Catherine commençait à prendre peur et se sentait menacée. Il fallait agir vite et radicalement. C'est sans doute à ce moment qu'elle envisagea l'assassinat collectif des chefs protestants.
Le 23 août dans l'après midi, la reine-mère et son fils Henri d'Anjou se réunirent aux Tuileries avec quelques fidèles pour s'assurer de leur soutien. Il restait encore à obtenir l'accord du roi, indispensable pour avoir un soutien général et une couverture juridique. Pour cela, ils s'entretinrent avec lui vers minuit et usèrent d'arguments fictifs ou exagérés, dont le plus convaincant fut que les Huguenots le pensaient responsable et que sa personne était maintenant menacée. Il n'en fallait pas plus pour le convaincre. Dans sa colère, il donna l'ordre de les tuer tous. Catherine avait préparé une liste et on discuta du sort de chacun. Seuls Henri de Navarre et Henri de Condé, princes de sang, devaient être épargnés contre leur conversion. Les autres -quelques dizaines- seraient massacrés.

Les massacres de la Saint-Barthélemy, 24 août 1572.

Coligny et ses compagnons devaient être les premières victimes. Le jour n'était pas encore levé, quand une troupe menée par le duc de Guise alla le trouver dans sa chambre et le tua. Guise attendait en bas qu'on défenestrât le corps, qui fut alors livré à la cruauté populaire, et dépecé. Guise avait ainsi vengé la mort de son père (1563).
Au Louvre, ce furent au tour des proches d'Henri de Navarre, puis de la minorité protestante de Saint-Germain. Mais la cloche de l'église qui devait donner le signal sonna un peu trop tôt et nombre de protestant purent fuir. Les ordres de Catherine furent rapidement dépassés par la folie populaire, et ce fut au tour de tout le peuple protestant d'être massacré et pillé.
Le roi lança rapidement des appels au calme, mais resta enfermé au Louvre avec son entourage jusqu'au 26 août. Puis il alla au parlement expliquer sa version des faits, qu'il avait dû ordonner la mort des chefs protestants pour empêcher une malheureuse conspiration.
Mais rapidement les massacres se généralisaient dans tout le royaume, et ils devaient durer jusque pendant l'automne. Au total, il y eut plusieurs dizaines de milliers de morts, et plusieurs milliers d'exilés.

Les réactions.

Les massacres de la Saint-Barthélemy suscitèrent partout en Europe une vive émotion, c'était la première fois qu'un souverain réputé juste ordonnait le massacre d'une partie de son peuple. Les réactions prirent cependant des allures très différentes.
En Espagne, le très austère Philippe II ne parvint pas à retenir sa joie et fit chanter un Te Deum. À Rome, le pape se félicita.
Dans les pays protestants, ce fut bien-sûr l'indignation. La Suisse peina à accueillir le flot de réfugiés. En Angleterre, Élisabeth, bien que consternée, s'attacha à conserver ses relations avec la France, car les deux pays en avait besoin pour tenir tête à l'Espagne. En particulier, elle ne répondit pas aux appels à l'aide des protestants retranchés à La Rochelle.
En France, les protestants se ressaisirent et remontèrent une armée. Les guerres de religions avaient repris.


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