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Par Edouard Brasey
Créatures de la nuit, les sorcières sont généralement conçues les soirs d'orage ou de tempête, et naissent le plus souvent au mois de février (notamment le 13 de ce mois), un vendredi 13, une nuit de pleine Lune ou lors d'une éclipse de soleil. Elles ont des cheveux roux, des tâches de rousseur ; elles sont souvent boiteuses, bègues et louches.
Le fameux balai, que la sorcière enfourche pour voler dans les airs et se rendre au sabbat , est fabriqué avec du bois de genêt. Elle le chevauche en s'écriant : ' Bâton blanc, bâton noir, mène-nous là où tu dois de par le Diable ! ' Pour éviter qu'un balai ne serve de monture à une sorcière, il suffit de le poser la tête en l'air. Mais ce qui donne à la sorcière la faculté de voler dans les airs est moins le balai que l'onguent ou la pommade magique dont elle s'enduit le corps après s'être dévêtue. Apulée atteste déjà cet usage dans son Ane d'or , rédigé au IIe apr. J.-C. Selon les grimoires de magie noire, cet onguent est composé d'un mélange d'aconit, de jusquiame, de belladone, de mandragore, de ciguë et de nénuphar, le tout malaxé avec de la graisse d'enfants morts sans baptême. En réalité, l'onguent en question renfermait certainement un narcotique puissant qui, à défaut de donner des ailes, plongeait la sorcière dans une transe hystérique peuplée de visions et d'hallucinations lui faisant croire qu'elle se rendait au sabbat. Mais elle connaît aussi d'autres moyens de transport. Au début du XIe siècle, l'historien Jean de Malmsbury rapporte la façon dont une sorcière est emportée sur le cheval de Satan, garni de piquants de fer. Au XIIIe siècle, Vincent de Beauvais fait allusion à des ' dames errantes ' s'envolant vers le lieu du sabbat, tandis que Guillaume d'Auvergne précise que les sorcières volent dans les airs armées de cannes et de bâtons. Parfois, elles utilisent des claies ou des clôtures, ou bien une quenouille, un râteau, une pelle ou encore une fourche. Parfois, elles se taillent des jarretières en cuir de loup.
Les animaux familiers de la sorcière sont le chat noir, le corbeau, le crapaud, le hibou, mais également la vipère, l'araignée, le rat et la chauve-souris. Toutes ces bêtes ont pour point commun de susciter la peur ou la répulsion chez ceux qui les croisent. Pour le sabbat, les sorcières habillent les crapauds avec des vestes de velours et leur accrochent des clochettes aux pattes pour les faire danser. La sorcière a également le pouvoir de se métamorphoser en animal, le plus horrible possible, mais surtout en lièvre dont l'agilité lui permet d'échapper à ses poursuivants et dont les longues oreilles lui sont une aide précieuse pour espionner et écouter les rumeurs. Au cours du sabbat, le bouc - l'une des représentations de Satan - est également présent.
Le chaudron sert à la préparation des potions magiques. Il trouve sans doute son origine dans les mythologies celtes et nordiques. Dans ce chaudron, la sorcière mélange simples, herbes, plantes, fleurs et racines de son jardin, dont les pouvoirs sont soit curatifs soit toxiques. Ainsi, les aiguilles et les baies rouges de l'if apportent la mort, de même que les fleurs bleues de l'aconit. La belladone, la jusquiame et la stramoine entrent dans la composition de breuvages qui donnent des visions terrifiantes. La ciguë est un poison mortel, mais à faible dose elle est utilisée pour rendre un homme impuissant. En revanche, la liqueur de rose réveille les ardeurs assoupies. La mandragore, sorte de tubercule vaguement anthropomorphe censé abriter un génie, possède des vertus aphrodisiaques et divinatoires. Elle permet même à celle qui en absorbe de voler dans les airs !
Les sorcières se servent couramment d'' échelles de sorcière ', minces cordelettes multicolores agrémentées de neuf noeuds de plumes, qu'elles égrènent à la façon d'un rosaire maléfique.
La principale arme des sorcières est la poupée d'envoûtement, ou ' dagyde ', petite figurine de cire censée représenter la personne à envoûter. La sorcière ' charge ' la figurine de l'énergie vitale de la victime en y associant un vêtement, des cheveux et des rognures d'ongle, voire du sang, de la salive ou du sperme, puis elle l'' attaque ' en la perçant d'aiguilles ou de clous tout en proférant contre elle des imprécations maléfiques. Par ce moyen redoutablement efficace - encore en usage de nos jours - la sorcière parvient à attirer le maléfice sur la personne représentée par la poupée. La même pratique d'ensorcellement est utilisée pour l'envoûtement d'amour - destiné à rendre un homme amoureux.
Cette grande assemblée nocturne n'a pas lieu n'importe où, ni n'importe quand. Certains lieux sont tout désignés : le mont Broken, en Allemagne, le mont Chauve, près de Kiev, ou encore le puy de Dôme, en Auvergne. Il se tient près d'un arbre mort, d'un gibet, d'un poteau indicateur ou à la croisée de quatre chemins. Certaines dates sont propices : le 2 février, la nuit de Walpurgis (veille du 1er mai), la nuit de la Saint-Jean (le 24 juin), et la nuit d'Halloween (veille de la Toussaint, fête celtique de Samhain) pour les grands sabbats ; la nuit du vendredi au samedi (le vendredi correspond à la fois à la crucifixion du Christ et au jour de Vénus, déesse de l'amour et de la luxure) pour les petits sabbats. Le sabbat a sans doute existé historiquement, sous forme de fêtes païennes traditionnelles, qui s'accompagnaient de libations, de danses et d'orgies sexuelles : il ne s'agissait pas là de pratiques diaboliques, mais de très anciennes coutumes destinées à stimuler la fertilité de la nature.